Avec ses célèbres Onésime (1943-1998) et Séraphin (1952-1972), Albert Chartier a passé la majeure partie de sa carrière à aborder des sujets ruraux. Mais le trait sophistiqué, qui rend son dessin reconnaissable au premier coup d’œil, suggère que l’univers de Chartier ne se limite pas à la campagne. Entre 1962 et 1967, Chartier a proposé, à divers journaux et revues, une série de strips à l’humour burlesque, muets, mettant en vedette un personnage baptisé successivement Suzy, Suzette, Elsinore, Zizi, puis Kiki, jeunes femmes qu’il décrit comme « piquantes », « ingénues », « glamourisées » ou encore « typically French ». Avec ces strips bien urbains, il laisse libre cours à son sens du dessin, de la composition, et nous voyons éclater toute la finesse de son art, ce qui nous pousse à nous demander s’il ne se sentait pas à l’étroit dans ses autres séries.
Refusés un peu partout dans le monde, ces joyaux n’ont jusqu’ici été publiés (et encore, très brièvement) qu’au Danemark et à Toronto. Au Québec, ces strips ont principalement été vus dans des ouvrages documentaires et des revues récentes (Drawn & Quarterly, Spoutnik). C’est donc un honneur pour Les 400 coups de publier ce grand trésor dans son intégralité (accompagné d’autres trouvailles dans le même esprit). Peuplées de messieurs galants, chapeautés et gantés, et de dames tout en candeur, aux tenues hautement ritualisées, ces pantomimes offrent une occasion en or de revivre une période fort élégante de l’histoire du Québec.