Un livre sans histoire, un livre sans personnage. Une bande dessinée qui n’en est pas vraiment une. Étrange idée ? D’où peut-elle bien venir ? Est-elle tombée du ciel ?
L’été de 1968, je quittai Londres et débarquai à Toronto avec ma femme Sarah et un carton à dessin entier de planches crues et surréalistes. La « contre-culture » battait son plein. C’étaient les années « Trudeau » — les déserteurs, la guerre du Vietnam, le FLQ (Front de Libération du Québec), l’identité canadienne, mai 68, les assassinats américains, le Watergate, le Pop Art, Bacon, Dylan et Zappa, Borges, Bergman et Beckett, Godard et Pasolini… et j’en passe. Le psychédélisme envahissait le paysage graphique, les brumes de lointaines révolutions s’étendaient sur les rues tranquilles et vertes du Canada…